Une nuit tout en douceur PV Lysandre Watherlight

Tout un été. Au goût d'éternité. Tout plein de jours. Au parfum Solitude, et sous ces bannières grises, de Tristesse et Détresse deux sœurs amies. Tout une vie, presque. Au chant de l'infini. Qui s'étire, se tire, sur les minutes et les heures, fait passer le Temps avec lenteur. S'égraine trop tranquille sur le sablier blanc, crépitement caractéristique. Dans lequel il s'étouffe, s'épouvante. S'angoisse, se noie et se torture en se demandant quand. Pourquoi. Comment. S'il reviendra son Joshua. Ou s'il le laissera seul, encore pour des mois. Sans donner de nouvelles, en brisant ses promesses. Toutes celles qu'il a faites avant de partir, car Lysandre n'est pas dupe, il a écouté. L'appartement vide en face du sien, sans jamais plus de bruit, et les hennissements de l'étalon noir. Abandonné lui aussi, à son sort encore une fois. Comme tant de mots que l'on brise. Tant de pactes envolés. Qu'il a observé, durant toutes ces journées, Lysandre au creux de sa chambre déconfit. En rêve, même, violemment torturé. Par la peine qu'ils apportent, quand il se souvient qu'il n'a pas été premier ou second. Aucun choix à vrai dire, puisque Joshua s'en est allé sans riens dire. Ou peut-être que c'était lui, quand il est retourné chez lui et a fermé, a fermé à clé cette porte qu'il devait toujours pouvoir ouvrir. Peut-être oui, mais aujourd'hui il ne sait plus. Recroquevillé sous le poids des larmes qui ne veulent plus couler. L'estomac noué et le cœur étranglé. De ne plus le voir. L'entendre ou le sentir.

Chagrin d'amour. Dont parlent les livres. En manque, jour après jour, de le savoir loin de lui. Loin de ses lèvres et de ses bras. Loin des battements de sa vie surtout, qui tanguent toujours en sa présence dans le fond de sa poitrine, bateau fou sur un océan d'huile, laissé au port depuis cinq mois maintenant. Cinq mois trop longs, durant lesquels il s'est posé mille questions.

Vivre ou mourir. Mourir ou vivre. Continuer. Souffrir et pleurer. Abandonner. Presque sans regrets. Plus la force pour tout ça. Pour combattre sa maladie, revenue près de lui, dans l'attente lascive de ce moment où elle pourra l'attaquer. Le ronger et l'emporter. Vivre ou mourir. Sanglots étouffés aux creux des nuits. Médicaments. Lames. Comme avant. Si facile. Mourir ou vivre. Litanie entêtante, dans le flot incessant de ses pensées. Jusque dans ses cauchemars. Ou dans les plus doux rêves. Rares depuis son départ, ses grands yeux noirs marqués de cernes. Noires aussi. S'accumulent tandis qu'il souffre. Souffle, ces quelques fois où il est parti au bord de l'eau avec Oksha et Onyx. Souvenirs flous, mêlés à ces autres plus lointains. Quand Jasper était là, et sur son dos Joshua. Quand Jasper galopait avec puissance et liberté, juste là si proche qu'il lui aurait suffi de tendre la main pour les toucher. Et sûrement que c'est un rêve. Parce que tout est trop beau, tout est trop vrai. Et dans le rêve Lysandre sourit, comme il ne l'a pas fait depuis cinq mois. Comme il y arrivait toujours pourtant avec lui, si facilement qu'il semblait avoir fait ça toute sa vie.

Ça non plus ça n'arrive plus aujourd'hui.

Comme beaucoup d'autres choses. Même Oksha semble avoir du mal à l'atteindre, heureusement c'est à elle qu'il s'accroche et aussi qu'il est encore ici. Parce qu'elle a confiance en lui. Qu'il peut pas lui faire ça. Et parce que ses problèmes d'humain elle peut pas les comprendre, et que même s'il la délaisse un peu peut-être, elle ne lui en veut pas. Jamais. Chien-Sourire comme au premier jour. Pleine de sa joie de vivre. Et contre laquelle il vient se nicher quand plus rien ne va. Tremble de toutes ses forces et essaye de ne pas y penser. À ce monde qu'il essaye d'oublier. À cet homme qui pourrit ses pensées. À sa culpabilité surtout, de ne pas avoir lutté. Lutté pour lui, et pour être son premier. Lutté contre Joachim, dont le nom suffit à le faire vomir. Mais il n'est pas dans son rêve cette nuit, non, il n'existe pas. Loin des chimères et de leur espace rien qu'à deux. Dont il est tiré Lysandre par un mouvement près de lui. Qui le met en alerte.

Accélère son cœur avant qu'il ne comprenne. Que c'est bien lui. Qu'il est revenu. Incapable de réagir d'abord, les yeux grand ouverts. Même s'il sait qu'il n'y a que lui pour pouvoir faire ça. Se glisser au milieu de la nuit jusque dans ses draps. Sans faire aboyer Oksha.

La porte sera toujours ouverte pour toi. Il le lui avait dit. N'a fermé que sur le coup, pour pleurer, pleurer, pleurer encore, accuser comme il le pouvait le coup. La violence de cette trahison qui lui tombait dessus sans qu'il ne l'ai cherchée.

"Joshua..." C'est dit sans trembler. Sans vaciller. Un souffle d'espoir au creux du noir. Picotements sur sa peau ; familiers. Quelques larmes au bord de ses yeux, pas sûr de pouvoir y croire. "Joshua tu es revenu..." Il y a quelque chose qui se brise. Un sanglot qui l'étouffe. Alors qu'en se tordant il se retourne. Emprisonne d'une seule main la joue. De cet ami ; amour. Cette évidence tombée sur lui un peu trop brutalement. Qui est rentrée aujourd'hui, rentrée à la maison et c'est sans doute tout ce qui compte. Car il caresse sa peau du bout du pouce et même s'il ne le voit qu'à la lueur du ciel nocturne, il lui semble être la plus belle créature. Lui tire un frisson. La naissance d'un sourire, qui s'efface aussitôt par oubli de comment faire. "Joshua mon dieu..." Son front presque contre le sien. Ses lèvres trop proches des siennes. En un souffle maladroit qui se mêle.

Il tremble Lysandre. L'angoisse au bord des lèvres en ce souffle chaotique qui les franchit, il tremble et regarde son Joshua sans rien oser dire. Car il les sent les larmes sous ses doigts ; leur chaleur et comprend pas. Ou si, peut-être, un peu seulement, il se dit que c'est normal et que ça doit être le bonheur, ou les regrets qui assaillent ; ne lui demande pas. Les yeux rivés pourtant, sur son visage tout près du sien, trop terrifié. À l'idée que ça ne soit pas ça. Que ces choses auxquelles il vient de penser n'en soient pas la cause, mais tout autre chose qu'il ne comprendrait pas. Ou qu'il y ait ces quelques mots tant redoutés, "C'est pour Joachim que je suis là", parce qu'il n'a rien oublié même s'il le voudrait bien. Ne plus avoir dans sa mémoire les souvenirs accrochés. Agrippés comme une tique venue le parasiter. Même si ça serait trop simple sans doute, de juste tout effacer. Comme si rien n'avait eu lieu, ni cris, ni larmes et ni souffrances. Comme si ces derniers mois ne s'étaient pas écoulés quand la maigreur sur son corps faible hurle le contraire. Les cernes sous ses yeux. Et les marques rouges, comme preuves flagrantes sur ses deux petits poignets blancs, de les avoir frottés et frottés jusqu'au sang. Avec son regard fou.

Parce qu'il était trop loin. Le bord du gouffre. Aussi loin que cet homme. Qu'il serre entre ses bras. Qui lui manquait si fort, si fort qu'à grandes flammes il crevait de ne plus l'avoir. Tout près de lui.

Car Lysandre il l'a dans la peau. Dans le cœur et dans les os. Jusqu'au fond de son âme ; a le souffle court à chaque départ et tremble, tremble de ne plus le voir. Bateau Ivre des flots en puissances, de chaque violence qui secouent quand il est tout seul, abandonné sur les plages de l'esprit et échoué là, sans capitaine à la barre pour l'en sortir. Car c'est son Josh sans aucun doute. Celui qui le mène, celui qui l'entraîne. Le tire à sa suite vers chaque réussite. Le maintient vers le rivage, aussi, quand chaque nouvelle vague menace de l'emporter plus loin vers le large. Josh, Joshua, sans qui il se perd un peu plus à chaque fois et qui fait s'effondrer son cœur à le prendre dans ses bras, à s'excuser comme ça. Comme un coupable alors que c'est lui, Lysandre, lui qui a fermé la porte, lui qui a fui au lieu d'affronter, en sachant très bien qu'il allait s'écrouler.

"C'est moi Joshua..." Sa voix s'étrangle. Sur un sanglot qui accroche. Écorche. Le fond de sa gorge. "J'aurais dû me battre au lieu de tourner le dos... J'ai été lâche, j-j'ai été..." Faible. Faible et chaque jour il se le reproche, d'avoir fait ça. Faible comme ce jour dans la salle de bain, quand il a laissé couler ses hurlements d'un seul flot de veines. "J'aurais dû être plus fort pour toi... J'aurais dû me battre..." Parce qu'il ne veut pas. Il refuse que Joachim ou un autre l'emporte. Pas cette fois. "J'aurais dû me battre pour toi parce que tu es le seul que j'ai dans le cœur mon Joshua..." C'est soufflé. Tout bas, tout bas contre ses lèvres. Avant qu'il ne ferme les yeux, tout en laissant ses doigts courir sur la joue avec les caresses les plus douces. Un peu ailleurs. Et un peu là. Un peu partout, l'esprit

"Ne t'en vas plus jamais s'il te plaît. Ou emmènes-moi.. Tu as promis Josh... Tu as promis qu'on s'en irait ensemble..."


Les larmes débordent. Avec ce silence de la neige qui se pose, cette même discrétion. Dont il fait preuve à chaque instant, lui qui n'ose jamais grand chose. Et même au milieu de ces pleurs qu'il verse il répète d'une toute petite voix tendre : "Tu as promis, tu as promis Joshua.". Au fond de lui il veut encore y croire. Même s'il y a ce doute et qu'il sait. Que Joshua est comme ça. À fuir seul quand Lysandre ne s'imagine que par sa présence. Lui qui a confiance. Pour la première fois depuis longtemps. Et l'aime, surtout, même s'il ne sait le dire qu'à demi mots. À demi voix. Par peur qu'il lui broie le cœur un peu trop fort entre ses doigts.

"Je t'aime, mon Lysandre."

Son cœur tressaille. Et loupe un battement quand il entent ces mots. Lysandre a les joues qui s'empourprent, le regard légèrement fuyant, qui s'accroche sur des détails tout autour. La couleur des draps sur son corps. La peau nue de la gorge de Joshua. Ses lèvres. Sur lesquelles son souffle s'abandonne. Puis ses yeux. À nouveau. Alors que dans les siens brille l'incertitude, mais pas celle qui pourrait suivre les aveux de son homme, car bien sûr qu'il l'aime aussi. Sûrement dès leur première rencontre, depuis lors il a peur. Elle en fait trembler ses mains. Juste un peu, posées contre les joues pâles, épousant toujours ce visage qu'il aime tant. Peur de se voir privé de lui. Peur qu'il parte encore. En le laissant sur place, encore une fois, seul avec un cœur en miettes et des sanglots au bord de ses lèvres. Des larmes. Qui ne s'écoulaient plus jusqu'à cette nuit. Taries ; bien au contraire de sa douleur vivace au fond de son estomac. Qui tordait ses entrailles. Ronge. L'intérieur de sa poitrine. Il voudrait être sûr de ne plus jamais la vivre. Elle a déjà trop détruit. Elle lui a déjà trop pris.

Plus jamais. Il ne pourra la supporter. Il n'en a plus envie. Se déteste bien assez d'avoir si fréquemment songé à mourir, juste pour lui échapper. Après tout la mort c'est facile. Une fois qu'elle prend, il n'y a plus qu'à se laisser bercer. Il chasse ça de sa tête, ça et les souvenirs, en pensant que s'il n'y avait pas eu Oskha, il ne serait peut-être plus là. Mais il ne dit rien. N'en parle pas. À quoi bon, quand les cernes noires et le poids perdu parlent pour lui ? Il préfère sourire. Sourire pour l'avenir. Avec cette douceur qui le caractérise. Ses doigts, toujours sur le beau visage, qui le caressent, presque distraits. Il s'est perdu dans le regard. Dans les mots aussi. Les entend, pour sûr, sans vraiment réagir. Seulement par quelques gestes. Un hochement de tête. Il est revenu pour lui. Et un jour ils partiront. Tous les deux, et chien et chevaux. Vers de nouvelles plages à parcourir. De nouvelles terres à découvrir. De nouvelles aventures, rien que pour eux.

Lysandre sourit encore. Lysandre sourit plus fort.
Lysandre laisse sa bouche s'appuyer sur celle de Joshua, avec ce courage qui le porte depuis qu'il est gosse. Un simple soupçon de peur lui ronge les entrailles. Avant qu'il ne retrouve sa place. Car Joshua est sa force. Un retour à la maison. Le monde qui le supporte. Qui l'aide du moins à tourner rond. Il ferme les yeux. Souffle un peu, contre cette bouche embrasse une seule seconde plus tôt.

"Tu restes avec moi cette nuit ?" Et toutes les autres. Il aimerait bien. Effleure ses lèvres des siennes, de nouveau. En souriant toujours, plus timidement certainement. "J'ai besoin de toi, Josh... Tellement fort..." De sa confiance. Des progrès qu'il lui fait faire. Un pas après l'autre, sans empressement. De son souffle qui se mêle. S'emmêle, au sien, au bord de la mer ou dans le noir. De sa bouche contre la sienne.

"Tu es si beau..."

Il a besoin de lui. Plus que de raison. Il lui est indispensable, comme l'air dont tous les Hommes se gorgent. Comme l'ancre des bateaux. Si fort. Que ça peut faire peur. Mais Lysandre n'a plus que lui. N'a peut-être jamais vraiment eu que lui. S'il omet son oncle ; mais il est loin et les kilomètres qui les séparent l'empêchent de venir le prendre dans ses bras quand ça ne va pas. Tout comme il sait que ça ne serait pas suffisant de n'avoir que lui. Qui ne lui parle jamais de sa mère car c'est toujours aussi vif. Lui, avec qui il ne partage pas ce genre de relation. Joshua est le seul qui le rend fort. Vraiment fort. Pour qui il pourrait se battre, briser des murs et des visages.

Il n’y a pas de réponse et l’espoir dans sa poitrine, l’espoir se tarrit petit à petit.

L’espoir se meurt, violemment, quand les mots se font entendre. Et Lysandre le regarde, ne le lâche pas de ses yeux sombres, alors que les baisers se posent sur ses lèvres et qu’il les accepte, qu’il les prend comme une dose quotidienne ; une prise de meth, une piqûre au creux du bras, un rail de coke, tout ce à quoi il n'a jamais goûté, toutes ces choses qu'il ignore et pourtant il sait. Comme on se sent drogué. En manque de cette chose qui fait du bien, à l'âme et même au corps. Il sait. Comme le besoin est immense. De l'avoir contre lui, serré au creux de ses bras sans plus jamais le laisser en sortir. Il sait. Sans avoir vécu vraiment car c'est facile d'imaginer. Quand il a manqué durant si longtemps de cette âme en connivence et de cet amour contre sa bouche. Quand il s'est senti frustré, quand il en a pleuré, tremblé, de le savoir si loin. Lysandre. Accro à Joshua. Incapable de ne pas y succomber alors même qu'il en a souffert. Beaucoup. Alors qu'il s'est fait saigner la peau à coup de ses ongles ; rendu malade. J’ai besoin d’aide. Je me fais peur. Il était venu voir l’infirmier. Monsieur Donovan. Pour lui en parler. Il y était allé, oui. Après avoir supplié Strauss de le reprendre à la clinique ; de l’aider.

Pour aller moins mal.
Il aurait voulu revoir ces fous. Tous ceux qui ne le sont pas vraiment, surtout.

Oliver. Il aurait aimé voir Oliver. Son ami. Sentir autour de lui ses étreintes, comme deux bateaux arrimés l’un à l’autre. Lui parler. Lui raconter Joshua et la saveur de ses baisers. Lui montrer ses progrès et le pousser à faire de même. Oliver. Y serait-il encore au moins aux Ailes Blanches ? Il se l’était demandé. Et trop de fois il avait appelé Strauss, aidez-moi, aidez-moi, sans rien savoir dire d’autre. Joshua. Son addiction. Dont il n’est toujours pas sevré, même après tous ces longs mois d’absence, tous ces mois de silence.

“Joshua...”

Sa voix s’étrangle et au bord de ses paupières quelques larmes brillent. Il ne veut pas qu’il s’en aille. Même si elle n’est pas loin du tout la porte d’en face. Même s’il lui suffirait d’un pas. Pour le revoir. Il ne veut pas. Lysandre. Il ne veut pas qu’ils s’abandonnent. Et ses doigts s’accrochent à lui ; il lâche un gémissement. Proche du sanglot. S’autorise un instant de faiblesse, là, blotti contre lui.

“C’est si loin demain...”

Si loin. Quand on se sent seul. Seul au creux des nuits. Si loin, oui, et il tremble un peu en tentant de ne pas remarquer ceux qui animent son Joshua, en tentant d’ignorer, même si c’est impossible. Il faudrait qu’il soit aveugle pour ne pas se rendre compte. Qu’il soit idiot, ou qu’il ne veuille pas ouvrir les yeux.

Il tremble un peu plus fort. Relève la tête et embrasse ses lèvres. Pour le retenir. Un peu plus longtemps. Et pour le sentir, le ressentir, savoir qu’il est là, encore, qu’il ne s’évanouit pas. Pas une nouvelle fois.

“Va t-en...” Il sourit. Maladroit. Sans pour autant s’en détacher. Sans cesser de s’accrocher. De prier, pour qu’il change d’avis, pour qu’il se batte et reste tout près de lui. Même s’il le sait. C’est impossible. De lui même il n’y arrivera pas, il a besoin d’aide. Alors il se répète. “Va t-en avant que je décide de t’enfermer pour toujours avec moi...” Il le renvoie vers ses démons. Vers ses addictions. En sachant que c’est à Joshua de prendre une décision.

Demain. Il le verra. Aux premières lueurs d’une aube nouvelle ; il ira à sa porte et le trouvera. Pas envolé non. Pas parti plus loin, loin de lui, et du pays. De retour. Son Joshua. Pour quelques aventures de plus. À ses côtés. Et Lysandre voudrait penser que c’est la bonne cette fois. Qu’il restera là. Pour toujours ; jusqu’à ce qu’ils s’en aillent et tous les deux cette fois. Avec Onyx. Jasper. Et Oksha. Sur d’autres terres. Sur d’autres plages. Près de falaises, ou de montagnes. Au bout du monde, peut-être ; demain. Ou après-demain. Dans dix jours. Ou dans un an, qui sait. Tant qu’ils partent ensemble, et se trouvent près l’un de l’autre à chaque nouveau matin. C’est tout ce qu’il souhaite. Un peu être heureux, et qu’il le soit aussi Joshua. Lysandre espère que ça puisse être le cas. Même s’il n’a pas toujours la forme et malgré les bas. Plus fréquents que les hauts, ces derniers temps. Malgré les rouages. De son esprit cassé.

Imparfait.
Il l’a toujours été.

Il a retrouvé son sourire pourtant. Aux côtés de cet homme. Alors il les lui offre, comme une promesse qu’il fait sans avoir besoin de mots. Demain. Il sera là, demain. Même si le reste de la nuit les sépare. Il sera là. Prêt à l’aider. Avec ses démons ; il veut croire qu’ils peuvent y arriver. Ensemble. Ils ont déjà fait tellement. Ensemble. Tellement de progrès, de pas en avant. Tellement de miracles et il n’y croyait pas. En tout cas plus vraiment. Puis Joshua est apparu et Lysandre l’a vu franchir toutes ses barrières. Toutes ses défenses. En un temps trop court ; trop rapidement.

Et pourtant.
Sans regrets.

Même après cette annonce. Formulée. De la pire des façons ; il a cru qu’il en aurait. Mais non. Jamais. Il ne l’a rangé dans ce tiroire, dans ce casier, celui de l’amer, et du non désiré. Jamais. Et c’est bien ça qui a fait mal. Qu’ils se déchirent, alors que ça comptait. Compterait toujours, même si dix années avaient coulé depuis le départ et jusqu’à son retour. Alors il y aurait demain. Et d’autres journées. Car ça peut pas être aussi fort. Ça peut pas autant briser. Pour simplement s’arrêter.

“Je m’en vais.”

Ça fait deux fois qu’il répète Joshua. Deux fois, et qu’il le serre toujours aussi fort, embrasse ses lèvres et qu’il ne bouge pas. Et Lysandre murmure, tout bas, “Va t-en”, sans le relâcher. S’il pouvait être sa drogue. Il aimerait. Pourtant, quand Joshua se redresse enfin, il accepte et le laisse s’échapper. Sans cesser. De le fixer. Son sourire sur les lèvres. Fatigué. Mais il y a ce bonheur au fond, étalé. Une lueur. Et plus encore. Pour le rendre son visage, illuminé. Comment ne pas l’être ? Car de nouveau, après toute cette période, de nouveau il se sent au complet. Et puis ces quelques mots.

Simplement. Murmurés.

“À demain mon Joshua.”

Comme un secret. Un secret dans le noir. À demain, pour de nouveaux espoirs. Lysandre le laisse filer. Confiant. Car demain, aucune de leurs deux portes ne seront fermées.