Un Robin involontaire PV Aidan Cambridge

A la mi-juillet, le plus difficile est de choisir son heure. Avec les températures estivales et les événements touristiques, il est difficile de tomber pile sur le bon créneau pour ne pas se faire prendre ou pire, chopper une voiture sans que les propriétaires légitimes ne s'en rendent compte. L'hiver est une saison plus propice à mon travail : les gens ont froid, ils sortent le plus tard possible et ferment leurs volets dès que la luminosité baisse un peu. Mais les plus belles voitures s'exhibent l'été, quand les torses se dévoilent et que les yeux réclament leur dose de luxe.

Alors voilà, j'en suis ici : à traîner près du supermarché à une heure particulièrement tardive, attendant que les échos des derniers citadins ne s'éteignent derrière les fenêtres, pour enfin pouvoir prendre possession de mon prochain trésor. J'observe ce dernier avec une attention toute particulière. Une décapotable d'à peine quelques années qui me rapportera encore une bonne marge lorsque je l'aurais livrée à qui de droit. Demain matin, elle aura changé de couleur et de plaque d'immatriculation. Demain soir, elle aura quitté le territoire anglais. Moi je n'ai qu'à la balader d'un point A à un point B et être payé.

Je fais mine de fumer une cigarette, aspirant la fumée dans ma bouche sans la laisser traverser mes bronches, tandis que deux jeunes passent près de moi sans se soucier de ma présence. Je recrache le poison dans l'air sans me faire remarquer et sans porter sur la voiture la moindre attention. La dernière chose à faire serait de la fixer avec envie, et même si j'ai du mal à contenir mon excitation à l'idée de la conduire, je feins l'indifférence à la perfection. Lorsque les deux ont tourné dans une rue transversale, je m'approche du bolide d'un pas tranquille.

Personne à l'horizon, l'impatience me gagne et je chevauche la portière d'un saut habile et je me laisse aller contre le siège conducteur, dégustant la sensation de confort que m'apporte le cuir. Il ne faut jamais laisser une décapotable sans surveillance. Les touristes sont d'une naïveté affligeante, dans les parages. J'étire un sourire en caressant le volant et je couve le tableau de bord d'un regard plein de tendresse. Je cherche au cas où, la présence d'un double de clé dans la boîte à gant et sous les sièges : rien, le contraire m'aurait étonné. Les touristes sont stupides, pas arriérés.

Je hausse machinalement les épaules et je m'atèle à démarrer la voiture en trafiquant les fils sous le volants. Lorsque le doux ronronnement du moteur arrive jusqu'à mes oreilles, un sourire s'étire sur mes lèvres et je me redresse lentement dans mon siège, excité et pressé de tester la conduite. Voyons voir ce qu'elle a dans le ventre ... Mais c'est là que je me rends compte de sa présence. Discret lui aussi, camouflé dans l'obscurité, à attendre je ne sais quoi ... Il m'a vu, c'est certain. Sans me départir de mon sourire, je lui fais un signe de tête accueillant.

- Eh ! T'aime les belles voitures ? Viens voir celle-là !