Bienvenue en Italie {PV Kris}

Faisant doucement tourner son verre de sky dans sa main gauche, l'italien prit le temps de regarder l'alcool laper les bords du récipient, y laissant une trace fluide qui coula lentement dans le fond. Soupirant doucement au deuxième message, il ne prit pas la peine d'y répondre avant de se reconcentrer sur le site touristique qu'il avait sous les yeux, sans pouvoir empêcher son esprit de vagabonder ailleurs. Eibe était un homme... très intéressant, très attirant aussi. Mais l'italien ne se sentait juste pas capable, pour diverses raisons. Déjà parce qu'il avait du mal à s'imaginer touché par quelqu'un d'autre depuis le départ soudain du flic, ensuite parce qu'il sentait comme une forme de barrière autour du blond, le genre infranchissable. C'était ça, Kris respectait trop le psychologue pour avoir envie de l'approcher plus intimement. L'envie physique, oui pourquoi pas mais le moral le bloquait.
Perdu dans ses pensées, il sursauta au contact sur son épaule avant de reconnaître la voix du blond, se détendant un chouilla avant de se dégager pour ne pas être trop en contact avec son corps.

- Je me demande si j’arriverai à résister à l’attrait de ta nuque que je rêve de couvrir de baisers...

Une rougeur gagna doucement les joues métissées du plus jeune alors qu'il plaquait sa main sur sa nuque, détournant le regard d'un air gêné sans répondre. Eibe avait envie de coucher lui. Evidemment, quasiment tout le monde en avait envie, c'était le problème d'être "beau". Il aurait dû s'attendre à ce genre d'avances et même s'il aurait été habituellement flatté, là les douceurs que lui offraient le blond ne faisait que le gêner un peu plus. Toussotant, il attendit que le psychiatre s'asseye à ses côtés, jetant un coup d'oeil au verre qu'il commandait avant de reposer sa main blessée sur le comptoir.

- ... Tu as vraiment l'air persuadé que quelque chose ne va pas, mais ce n'est pas forcément le cas tu sais ? Et puis même si tu avais raison... nous sommes en vacances, ce n'est pas pour que tu travailles pendant tes congés. C'est idiot.

Mordillant vaguement l'intérieur de sa joue en murmurant ces derniers mots, Kris poussa son portable en direction du blond pour lui montrer une page ouverte sur le Palais des Doges.

- On peut aller là demain, il est moins grand qu'il en a l'air, si on y va tranquillement ça devrait nous prendre la matinée. Tu n'es jamais venu ici, c'est ça ?

- Justement Kris. Quel est mon métier ? Je suis psychologue. Alors en vacances ou non, je ne suis pas dupe une seule seconde : il y a quelque chose qui ne va pas et je veux que tu t’ouvres à moi. Il faut que tu en parles, que tu extériorises tout ça pour profiter vraiment de ces vacances. Cela ne marchera pas si tu gardes ça pour toi, cela finira par empirer et te dévorer de l’intérieur.

La conversation était bien partit pour tourner autour de lui et ça l'emmerdait plus qu'autre chose. Descendant son verre de whisky, il en fit claquer le cul contre le comptoir avant de faire un signa au barman qui revint rapidement vers lui. Après tout, même dans cet état, Kris gardait une certaine présence qui faisait qu'il ne passait pas inaperçu. Et même sans ça, peu de clients demandaient pour l'instant de l'attention alors le métisse aux yeux vairons avait eu toutes les chances du monde de récupérer son attention.

- Pourquoi fuir Venise ? Un double cognac s'il vous plait.

Le besoin d'alcool prenait malheureusement bien vite le dessus, lui rappelant à quel point il allait finir alcoolique. Pauvre con qu'il était. Sa langue claqua dans sa bouche alors qu'il jetait un regard en coin, légèrement contrarié à son compagnon de voyage. Eibe savait où taper et était bien trop curieux à son goût. Habituellement, les répliques pour le renvoyer ne lui auraient pas manqué sauf que dans son état, son cerveau fonctionnait au ralentit. Mais le pire, c'est que le psychologue avait tout à fait raison dans son analyse de sa personne et c'était ça qui l'emmerdait un peu plus. Il avait rapidement confirmé la proposition pour le Palais des Doges, alors il ne voyait pas vraiment comment continuer là-dessus. Peut-être réfléchir à un truc pour l'après-midi ? Quoique se promener dans les rues de Venise serait très appréciable.

- Je sais être très professionnel et discret. Je ne te laisserai pas tomber mon ami. Tu peux compter sur moi.

La lourde patte sur son épaule le détendit étrangement. Le blond savait y faire, il n'y avait pas à dire. Soupirant doucement, Kris posa sans s'en rendre compte ses doigts sur les siens, pensif, avant de retirer doucement sa main en secouant la tête. Il planta son regard vairon sur son homologue, un instant dur avant de lâcher d'un ton plein de sarcasme.

- Je réagis comme une collégienne en chaleur après m'être fait largué. Heureux ?

Concrètement ? C'était ça.

Trop touristique hein... La phrase était fermée, ne permettant pas une ouverture facile mais malgré tout, Kris fouilla dans son petit cerveau, actionnant ses neurones pour trouver quelque chose à répondre. Au moins pour donner un minimum le change. Il détestait se sentir acculé ainsi et n'avait vraiment pas envie que toute la conversation se concentre sur lui, mais ça avait l'air d'être déjà perdu d'avance.

- Je vois… Non je ne suis pas heureux parce que tu ne vas pas bien. Tu es sûr que c’est terminé entre vous ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Merde. Il n'avait pas eu le temps de trouver quoique ce soit à répondre.
Avalant une gorgée d'alcool qui lui brûla la gorge, ne le faisant néanmoins pas toussé vu les mauvaises habitudes qu'il prenait, un sourire sarcastique s'étira sur ses lèvres. Terminé ? Oh, autant que ça pouvait l'être quand quelqu'un se barrait dans un autre pays voire carrément sur un autre continent sans lui en parler avant en ne laissant comme seule trace de son départ qu'une putain de lettre de merde. Voilà, il s'énervait. Eh bien d'accord... il parlerait à Eibe de son histoire avec Stone. De Zack aussi, mais très brièvement, il ne comptait pas s'étendre sur le sujet.
Jouant avec son verre, il le regarda du coin de l'oeil quand le blond évoqua l'idée d'un câlin. Ce n'était pas vraiment de ça dont il avait besoin pour l'instant mais d'alcool. De vraiment beaucoup d'alcool. Soupirant doucement, l'italien descendit la fin de son verre, le repoussant vivement pour attraper l'autre. Le cognac descendait à une vitesse bien trop grande pour que ce soit correct, il le savait mais l'alcool allait pourtant délier sa langue. Kris finit par jeter un regard en coin au blond avant de soupirer, tapant de son index sur le bois avant de tourner la tête vers lui.

- Très bien. Tu as gagné. C'est bien toi qui t'occupes des entretiens avec les flics de la ville, j'me trompe ? Il n'y a que toi pour faire, ça je sais qu'ils ne sortent pas du village.

Si il avait vu juste, le blond avait certainement dû s'occuper de John. En fait c'était quasiment une certitude.

- Commissaire John Stone. 48 ans, nouveau à Saint-Adams, alcoolique quasiment dépressif, accro' à la clope et au café. Hétéro. Il avait presque craché son prénom avant de planter son regard fatigué et défiant dans celui de son homologue, Tu le connais n'est-ce pas ? Dis moi ce que tu sais sur lui que je ne sais pas déjà.

- Pas grand-chose de plus j’ai bien l’impression. Je suis sous le coup du secret médical mais on a beaucoup parlé de lui, de son passé, de ses blessures, de son comportement, etc. Des choses basiques en somme. Plutôt bien fait de sa personne, effectivement. Tu as très bon goût.

Ouais. Surement. Mais ce n'était pas vraiment ce que Kris avait actuellement envie d'entendre. Il le lui aurait bien dit sauf que déjà, il doutait fortement que le blond lui offre le plaisir de ne dire que des choses qui lui plairaient et de plus, le tatoueur n'était pas capable d'énoncer à haute voix les choses qu'il aimerait entendre. Rien ne réchaufferait son coeur brisé pour l'instant, à part peut-être un peu de cognac. Beaucoup de cognac.
Trop de cognac.

- Et un autre pour moi. Merci.

Il repoussa vaguement la main de son compagnon de route qui tentait apparemment de l'empêcher de boire. C'est vrai que ces derniers temps, il y avait plus d'alcool que de sang qui coulait dans ses veines et il n'était même pas sûr que ce ne soit qu'une image. Il en était même venu à se bourrer la gueule aux côtés du petit Zack... quel idiot, doublé d'un adulte irresponsable. Enfin, l'étudiant était majeur après tout. Ce n'était pas vraiment comme si on pouvait légalement lui en vouloir.

- Je comprends un peu mieux maintenant… Cela te demandera du temps et de la patience mais tu finiras par oublier ta douleur. Sauf si tu te décides de traverser les mers pour le rejoindre et lui expliquer ta façon de penser. J’aurais aimé te proposer mon corps ou une bouteille d’alcool pour le temps des vacances mais on va éviter.

En parler... il le faisait là ? Et puis qu'est-ce qu'il y avait véritablement à dire ? Il en avait parlé oui... pas vraiment avec le petit même s'ils devraient surement le faire un jour ou l'autre. Mais si Kris n'avait pas eu le courage de dire les choses en face, il avait quand même énoncé la chose à Bartholomew... qui lui avait dit tout sauf ce qu'il voulait entendre. "Ça passera" c'était facile à dire pour lui, ce genre de choses lui arrivaient tout le temps. Mais pas à lui. Des déceptions amoureuses, il n'en avait eu que peu dans sa pauvre vie tout simplement parce que peu de personnes avaient pu l'approcher suffisamment pour se permettre de le blesser. Là comme ça, il n'en comptait que trois. Une défigurée, une trompée et une... disparue tout simplement. Oh, il en avait bien parlé à Andrej mais la discussion avait été courte et violente, assez pour finir en dispute. Le brun baissa la tête.

- ... Je s'rais partit avec lui s'il m'avait prévenu quelques jours plus tôt. Il a laissé un mot où il me demandait de le rejoindre sauf que... S'il l'avait vraiment voulu, il me l'aurait dit de vive voix au lieu de s'enfuir comme un voleur. Alors je n'irais pas, c'est une histoire terminée. Mais je supporte très mal l'abandon, ce n'est pas nouveau.

Au moins, l'italien était honnête avec lui-même comme avec Eibe. Eibe qui le fixait avec tendresse et gentillesse. Eibe qui avait très envie de coucher avec lui. Et lui qui se sentait mal à l'aise par rapport à ça parce qu'en se sentant reconnaissant, il se sentait mal de ne pas lui offrir au moins un morceau de son corps pour le remercier. Sauf qu'il en était bien incapable.
Serrant les dents, Kris descendit la moitié de son cognac en se brûlant la gorge, passant sa main sur son visage avant de se cacher les yeux en murmurant :

- J'sais. C'est pathétique. Ne t'inquiète pas, je ne boirais pas devant Mathéo, ni serait en mauvais état devant lui. Il n'y a rien d'autre à dire, j'me suis laissé aller avec quelqu'un d'instable et ça a mal finit. Ça arrive tout l'temps à tout l'monde. Alors franchement, ça vaut même pas la peine d'en parler...

Ça au moins, il en était sûr. C'était plus facile de ne pas y penser que de passer des heures à en parler pour ne trouver aucune solution au problème. Aucune à part un retour en arrière.