Bienvenue en Italie {PV Kris}

Assis sur son lit, Kris contemplait sa valise. Enfin, plutôt son sac parce qu'il s'avérait qu'en se la prenant sur la gueule en essayant de la sortir de son garage, il avait malheureusement un peu amoché une roue qui avait décidé de... juste se faire la malle. Bitch. M'enfin bon, c'est bien les sacs aussi. Gros sac de voyage en tissu vert très foncé et avec des poignets en cuir marron qu'il regardait d'un oeil morne. Qu'il toisait même, autant le dire. Ça se faisait d'annuler un voyage à la dernière minute ? Non, définitivement pas. Kris s'était convaincu qu'il devait y aller. Il avait besoin d'un grand bol d'air et même si ça ne l'enchantait définitivement pas de laisser Zack seul dans ces conditions, ses vacances étaient prévues et absolument pas annulables. Et puis, il avait promis de jouer le guide touristique, non ?
Inspirant profondément, le tatoueur jeta de nouveau un coup d'oeil à l'intérieur du contenant. Ne pas tout sortir. Ne pas recompter tout comme un psychopathe. Merde, il se sentait tellement différent d'à son habitude. Ses pensées vagabondèrent vaguement vers ces derniers jours. Ces horribles derniers jours.

Entre le départ de Kaylan, la disparition de Stone et la pseudo-dispute avec Andrej... dont il avait bloqué le numéro, de colère, comme un enfant. Avant de le débloquer une fois calmé. Quel idiot. Il avait relu leur conversation une dizaine de fois en se mettant à la place du gérant du Beluga. Et à chaque fois il s'en voulait. Mais, beaucoup trop fier pour faire quoique ce soit, le métisse avait simplement éteint son portable en le balançant dans un coin de la pièce, après avoir cogné dans un jouet de Venom qui traînait toujours. Putain d'merde. Tout était là pour lui rappeler qu'Il était partit. Cela faisait plusieurs jours qu'il ne s'allongeait plus dans son lit. Le froid qu'il y sentait le répugnait. Et Kris ne supportait pas d'imaginer quelqu'un d'autre s'y allonger pour en enlever les dernières effluves. Une nausée le prit alors qu'il appuyait ses paumes contre ses yeux cernés. Debout Kris. Il est l'heure. Il faut rentrer chez toi.

Le tatoueur n'était même pas capable de dire comment il avait quitté la pièce, fermé sa porte et appelé un taxi. Pas question de laisser sa moto à l'aéroport autant de temps sans lui. L'idée même n'était pas concevable.
L'automobile roula, il se laissa bercer par le ronronnement du moteur, ses pensées s'envolant vaguement vers son protégé surement en pls dans son chalet avant de s'égarer vers son meilleur ami, la prunelle de ses yeux. Il se sentait... si vide. Il n'avait que peu pleuré pourtant. C'était comme si la douleur n'était pas réel. Juste... un songe lointain qui le laissait amorphe.
L'italien posa pied à terre devant l'aéroport avant de s'avancer vers une boutique de cadeau pour y chercher ce qu'il souhaitait, avant de pénétrer dans le grand bâtiment plein de monde. Il s'arrêta une seconde aux toilettes, levant les yeux vers le miroir avant de marquer un arrêt. C'était lui ça ? C'était ça qu'on voyait de lui ? Le motard avait l'impression d'être transporté plusieurs années en arrière mais sa main passa rapidement sur son faciès pour se cacher à son propre regard, s'éloigner de son propre jugement. Quelle sale gueule.

Fuyant son reflet, Kris retourna à l'intérieur de l'aéroport en laissant son regard fureter autour de lui pour trouver ses compagnons de route. C'était grâce à eux qu'il allait pouvoir avoir de l'air après tout.
Rapidement, ils se retrouvèrent l'un face à l'autre, le plus jeune se laissant aller à s'attarder sur le psychologue. Sans doute que dans d'autres circonstances, il se serait fait un plaisir de l'avoir en sa compagnie, même de nuit. Mais son cerveau avait viré la case "sexe" pour le moment, se concentrant sur celle de "tristesse" et sa compagne "désespoir". La poigne d'Eibe serra la sienne, le faisant remarquer à quel point ses forces étaient diminuées. Mais il ne fit qu'étirer un sourire un peu forcé par politesse envers le blond.

- Tout est bon de mon côté.

Baissant les yeux vers le petit homme caché derrière les jambes de son père, le jeune italien s'accroupit devant lui avec un sourire doux avant de lui tendre une petite peluche toute douce en force de loup gris.

- Mathéo c'est ça ? Je m'appelle Kris. Tiens, c'est pour toi, c'est l'emblème de mon pays. Garde la en souvenir.

Dans un sourire timide, le petit Mathéo récupéra la peluche avant de la serrer dans ses bras en le remerciant. Un doux sourire fleurit sur les lèvres du métisse aux yeux vairons alors qu'il regardait ce petit être observer son cadeau avec adoration. Il était fier d'avoir choisit. Finalement, surement que ce voyage lui ferait du bien. Eibe était d'une compagnie bien agréable et Mathéo avait l'air d'un petit garçon plein de joie de vivre bien qu'un peu timide. Ce qui était loin d'être un défaut, de son sens. Kris se laissa enlacé, un peu surpris mais caressa les boucles brunes du plus jeune avant de se relever pour faire face à l'adulte.

- Il n'y a rien à excuser, je n'y vois que des qualités. Assura-t-il, la voix un peu plus sûre désormais.

Un appel retentit concernant leur vol et les trois comparses partirent en direction de la salle d'embarquement. Bien évidemment, Kris sonna aux portiques en grimaçant, devant montrer ses piercings en évoquant la présence de quelques uns qu'il ne pouvait montrer en public, remarque qui fit légèrement rougir l'hôte qui s'occupait de lui d'ailleurs. Une fois de l'autre côté, il put remettre correctement ses chaussures en récupérant le sac, sa main se posant automatiquement sur la nuque du petit garçon qui le tenait par le pantalon. Loup dans l'âme, si la solitude lui alla souvent, son instinct de protection ressortait immédiatement dans ce genre de situation. Et Mathéo était définitivement une petite chose à protéger.

Ils montèrent tranquillement dans l'avion, Kris plaça son sac dans la soute au-dessus de sa tête avant de se laisser tomber sur son siège de la rangée de trois qu'ils occupaient. Le contact sur son poignet le fit légèrement sursauter, baissant vivement les yeux vers la main du blond pour se calmer. Presque personne ne l'avait touché depuis... lui. Le contact était encore un peu difficile mais inspirant tranquillement, l'italien se força à se calmer alors qu'il bouclait sa ceinture pour le décollage.

- Moi aussi. Mon pays me manque un peu.

Le jeune homme se pencha un instant pour allumer l'écran en face de Mathéo et lui mettre la caméra qui se trouvait à l'avant de l'appareil en la lui désignant.

- Regarde, on va s'envoler.

Se replaçant correctement dans son siège, le tatoueur fronça légèrement le nez à l'impulsion qui lui boucha les oreilles. Désagréable sensation qu'était celle-ci, il attendit d'être en l'air pour bailler et se détacher avant de poser son portable dans la poche devant son siège en regardant en l'air.

- On a pas beaucoup d'heures de vol, ça va aller vite.

- Oui c’est sûr. Mais j’ai quand même pris quelque chose pour l’occuper.

L'italien se leva en se décalant pour laisser le soin au psychologue d'atteindre la soute au-dessus d'eux, récupérant une peluche et un livre qui allèrent directement dans les bras du jeune Mathéo. Se rasseyant, Kris posa son regard sur le petit brun qui serrait fort la peluche qu'il lui avait offert.
Un léger sentiment de fierté gonfla à l'intérieur de sa poitrine. Après tout, si les peluches chiens étaient fréquentes, les loups étaient bien plus compliqués à trouver. Il n'y avait qu'à voir le peu d'offres sur le marché, sans compter qu'en général elles n'étaient pas très belles. Aussi, le tatoueur était vraiment content d'avoir trouvé celle-ci dans une boutique de cadeaux. Elle provenait apparemment d'une réserve lupine, ce qui expliquait la beauté de la peluche. Tant mieux, si cela lui plaisait.
Kris n'avait pas vraiment un feeling particulier avec les enfants. Il ne les détestait pas non plus, disons qu'il s'en fichait un peu. C'était plutôt lorsqu'ils courraient et criaient dans tous les sens qu'ils se montraient agaçant. Mais Mathéo avait l'air d'un petit garçon particulièrement calme et le plus vieux se doutait qu'il se cachait derrière ces grands yeux, une part de curiosité qui méritait d'être assouvit.

- Est-ce que tu souhaites en parler… ?

La question du blond le tira de ses pensées, faisant pencher son regard surpris dans sa direction. Le tatoueur mit un temps à le dévisager sans pouvoir cacher son étonnement avant de passer sa main sur son visage fatigué. Evidemment... Eibe était du genre à analyser tout ce qu'il croisait, il aurait dû se douter que son mal-être ne passerait pas inaperçu.
Un instant, l'italien se maudit de ne pas avoir au moins prit la peine de se maquiller pour éviter ça, mais au final, il se contenta de pousser un soupir en laissant retomber sa tête sur son siège et son bras à côté de celui du blond. Son regard en coin se posa sur son compagnon de route, légèrement triste, accentué par un sourire beau à en pleurer. Au moins, il était beau en toute circonstance même si ce n'était pas toujours un avantage.

- Nous sommes là pour nous reposer, non ? Toi aussi tu devrais. Alors ne commence pas à t'occuper de mes problèmes comme si tu étais au travail... Sa main se posa sur la sienne en une caresse légèrement et douce avant de se retirer, Mais merci...

- J’ai bien l’intention de me reposer. Et de prendre du bon temps en compagnie de mon fils et d’un séduisant italien. Je te préfère avec un sourire et un regard pétillant. Mais je lâche l’affaire pour l’instant. N’hésite pas à venir à moi si tu veux en parler.

L'attention le fit doucement sourire. Kris était bien au courant qu'il était loin d'être le genre d'homme avec un physique repoussant et Eibe ne semblait pas posséder un tas de critère en la matière. Mais c'est vrai qu'avec la gueule qu'il se traînait en ce moment, l'italien doutait d'être aussi attirant qu'à son habitude. Alors le compliment bien que prononcé sur un ton taquin lui alla droit au coeur. Sans doute qu'il aurait aimé partager son lit dans une autre situation. Mais aujourd'hui, cela ne serait pas possible. Son esprit était ailleurs quand son coeur avait été emprisonné au point que son corps révulse le contact d'un autre que son policier.

- Les longs voyages en transports l’ont toujours fait dormir. Je te prête mon autre épaule pour que tu te reposes un peu ? Je veille sur toi et je te protège. Alors laisse-toi un peu aller ?

Le regard vairon du jeune loup passa de la petite chose endormie à Eibe, hésitant. Ce n'était pas très correct mais en même temps, il était tellement fatigué. Complètement déphasé, Kris était incapable de dire s'il avait dormi longtemps ou non, par tranche de quelques heures seulement ou par nuit complète. Soupirant doucement, sa raison finit par perdre la bataille contre la fatigue et il laissa tomber sa tête sur l'épaule du psychologue. Il aurait bien voulu, vraiment être au top de sa forme. Lui donner satisfaction... d'un côté nocturne aussi. Mais la simple pensée de se faire toucher lui donner la nausée. Ses yeux se fermèrent alors que sa respiration s'apaisait, le plongeant dans une abyme chaude et agréable.
Une heure et quelques plus tard à peine, le plus jeune ouvrit les yeux en se redressant, remarquant qu'il avait un peu glissé sur son compagnon de route. Il se redressa rapidement en frottant ses yeux, s'excusant doucement avant de lever la tête.

- Désolé.

Plus qu'une demi heure. S'étirant doucement vers le haut, l'italien quitta son siège pour rejoindre la cabine de toilettes histoire de se remettre un peu d'aplomb, évitant de croiser son regard dans le miroir pour ne pas faire face à son physique pitoyable. Retournant ensuite à sa place au moment où l'hôtesse passait, il demanda un verre d'eau avant de se tourne vers Eibe.

- Tu veux quelque chose ? On prend un truc à Mathéo pour quand il se réveillera ?

Le petit être commençait déjà à remuer alors que le tatoueur récupérait son verre d'eau pour s'éclaircir la gorge, soupirant d'aise avant de se caler de nouveau dans son siège. La jeune femme partit et l'italien se tourna vers le blond.

- Tu préfères manger à l'hôtel ou sortir pour trouver un truc sur la place Saint-Marc ? J'ai quelques adresses sympa si tu le souhaites.

L'italien se réinstalla au fond de son siège en bouclant sa ceinture, portant son attention et son regard sur le petit ange qui peinait à ouvrir les yeux à côté de son papa.

- Hmm et bien déjà on ira à l'hôtel pour les chambres, histoire de se rafraîchir et de ranger nos valises. Et après... Et bien pourquoi pas quelque chose sur la place Saint-Marc oui, ça peut être sympa. On partira en exploration sûrement demain, quand nous serons tous en meilleur forme. Ca te va ?

Un pâle sourire éclaira le visage du métisse alors qu'il observait Mathéo frotter ses yeux en tentant de chasser la fatigue qui l'habitait. Il était mignon ainsi. Relevant la tête vers le blond, Kris hocha doucement la tête avant de ranger à son tour sa tablette. Son regard s'attarda sur la main qui caressait sa cuisse en se demandant si Eibe attendait quelque chose en particulier de lui. Un lien sexuel peut-être... Le plus jeune se mordit la lèvre à cette pensée alors que l'appareil les secouait pour atterrir. Il n'était pas prêt et espérait vraiment que le psychologue comprendrait. Peut-être qu'il lui parlerait finalement. Peut-être qu'il lui raconterait ses tourments, juste pour en parler. Mais en même temps, le brun n'avait pas envie de rajouter un poids à l'anglais qui venait exprès ici pour oublier un peu son travail. Ses doigts habiles d'artisan frôlèrent les siens avant de se détacher pour se lever, sortant de l'appareil en compagnie de ses deux compagnons avant de s'étirer.

Il prit quelques secondes pour emplir ses poumons de l'air chaud de son pays bien aimé, laissant un léger sourire fleurir sur ses lèvres avant d'emboîter le pas à Eibe qui s'éloignait en direction de l'intérieur du bâtiment.
Le tatoueur laissa son camarade récupérer un caddie alors que lui, s'approchait du tapis roulant, attendant de voir leurs bagages passés et quand enfin il réussit à les récupérer, il les souleva d'une poigne ferme pour les poser à l'intérieur du chariot.

- Il faut qu'on trouve l'aire des taxis. Tu vois la pancarte Kris ?

L'apostrophé était déjà en train de se rapprocher d'eux avant de montrer une sortie du doigt. Il avait l'habitude de venir ici, connaissant bien plusieurs des aéroports de son pays et celui-ci ne faisait pas exception. Posant sa main sur le caddie pour le guider pendant que le blond poussait, il les entraîna vers la sortie où attendaient un tas de taxis. Kris n'attendit que quelques secondes avant de se décider, attrapant au passage un homme en lui parlant dans sa langue natale avec un sourire avenant. L'inconnu sourit, hocha vivement la tête avant de saluer les deux britanniques d'un "benvenuto in Italia" avant de charger les valises dans le coffre. Kris ouvre la porte arrière à Eibe et Mathéo en souriant un peu en coin.

- Allons-y...

Et dès qu'ils furent à l'intérieur, le plus jeune grimpa à l'avant alors que la voiture démarrait.

Le trajet fut calme. De temps à autre, Kris jetait un coup d'oeil au petit garçon encore un peu somnolant contre son papa alors que leur chauffeur lui donnait quelques informations sur l'actualité de la ville. Des attrapes touristes qui pouvaient parfois s'avérer intéressant. Ne lâchant que quelques mots dans sa langue natale, le métisse remercia l'homme lorsqu'il les déposa devant l'hôtel avant de se diriger vers le coffre pour descendre les valises. Ses yeux se baissèrent vers Mathéo lorsque ses doigts s'accrochèrent à son pantalon, le forçant à se baisser pour s'intéresser à ce qu'il disait tandis qu'il laissait le psychologue se diriger vers le comptoir.

- Dis c'est quoi ça ?

Levant les yeux, l'attention du tatoueur s'arrêta sur le tableau plein de gondoles qui ornait le mur du fond. Il resta un instant silencieux avant de poser son genou à terre pour être à peine plus bas que le petit brun, posant sa main sur sa tête pour caresser doucement ses cheveux.

- Ce sont des gondoles, de jolies barques qui permettent de se déplacer dans la ville, sur les canaux. En général c'est pour les amoureux mais on peut y aller entre amis aussi.

Souriant doucement à l'air intrigué du plus jeune, Kris perçut du coin de l'oreille une voix qui devait appartenir au gérant de l'accueil. L'accent italien tranchait dans l'anglais basique qu'il employait. Bon, ce n'était pas mauvais et ça lui rappelait ses débuts en Italie. Enfin, ça avait été moins galère qu'en France et qu'en Belgique. Mais il s'était adapté et maintenant, le tatoueur pouvait se venter d'être pluri-linguiste.

- Voilà vos clés monsieur. Vous avez la 204 et la 205. Voici aussi les codes internet et des adresses qui pourraient vous intéresser durant votre séjour et aussi les menus du restaurant de l’hôtel. En vous souhaitant un merveilleux séjour parmi nous.

Récupérant la petite main de l'enfant dans la sienne, le brun se releva en passant ses doigts dans ses mèches aux bouts rouges, les écartant de son visage avant de rejoindre Eibe prêt de l'ascenseur. Ils s'arrêtèrent devant les chambres et Kris le remercia d'un mouvement de tête avant de pénétrer dans sa chambre. La porte se referma derrière lui et là, un sentiment de solitude et d'inconnu gonfla désagréablement dans sa poitrine.
Inspire, doucement Kris...
Le tatoueur prit quelques minutes pour respirer avant de faire le tour de la chambre, ouvrant la fenêtre pour s'y pencher. C'était haut... ça ne valait pas un gratte-ciel américain mais tout de même. Tournant les talons, il se contenta de vider sa valise en soupirant, maussade avant de retirer son tee-shirt. Il se sentait... désagréablement sale. Mais ses deux compagnons devaient avoir faim alors rapidement, l'italien se mit entièrement nu avant de sauter dans la douche. Cinq minutes suffirent pour se rafraîchir avant qu'il ne sorte, serviette autour de la taille en allant fouiller dans sa valise. Kris n'aimait pas trop passer de temps sous l'eau, les minutes filaient si lentement à son sens... Soupirant doucement, l'italien tira un jean noir basique qu'il enfila, se séchant les cheveux torse nu avant d'entendre frapper à sa porte.

- Entrate. Entrez.

Autant le dire dans les deux langues, au cas où.
Sans faire attention à la personne qui venait de pousser la porte, que ce soit un membre du personnel de l'hôtel, Mathéo ou Eibe, le brun referma son pantalon et attrapa un débardeur blanc qu'il enfila, rejetant ses mèches en arrière pour y caler ses lunettes de soleil. Bon. Son porte-feuille dans sa poche et son portable dans sa poche arrière et on pouvait dire qu'il était prêt.

Une balade en gondole ? Kris leva les yeux vers le plafond un instant en faisant mine de réfléchir. Ce genre d'activité particulièrement touristique était assez coûteux, certes mais si Eibe était d'accord... pourquoi pas ? Surtout que le jeune Mathéo avait l'air tout particulièrement emballé par l'idée. Et puis sans mentir, Venise ne paraissait jamais aussi belle que vue depuis ses canaux, il en savait quelque chose.

- Pourquoi pas, on verra avec ton papa.

Juste après leur petite discussion, ils se hâtèrent de rejoindre le psychologue qui les attendait au niveau du comptoir. Kris pénétra dans sa chambre et prit quelques minutes pour une douche rafraîchissante alors qu'Eibe rentrait dans sa chambre.

- Je pourrais presque être jaloux de cette serviette très cher.

Le tatoueur se figea une seconde avant de mordre sa lèvre inférieure. Son corps se tourna à moitié, de lui-même vers son visiteur alors qu'il le regardait un instant, revenant plonger son regard de husky étrange dans celui profondément vert qui lui faisait face. Il était intéressé. Bien sûr qu'il était intéressé... et la perspective d'avoir une aventure avec cet homme particulièrement beau et intéressant était assez agréable. Rien qu'à y penser, un flash de soupirs mêlés de peaux se rencontrant et de mains dansant à l'unisson envahit sa tête. Ses paupières se refermèrent alors qu'il profitait de la vision particulièrement intéressante et chaude qui lui donnait envie de retirer ses vêtements.
Kris...
Mais cette voix... n'était pas celle du blond. Le visage d'un certain flic s'imposa dans son esprit, transformant le corps qui se mêlait au sien et l'italien rouvrit brutalement les yeux. Non. Il n'en était pas capable. Il n'en était... désespéramment pas capable.

Serrant les dents, le plus jeune s'assit sur son lit le temps d'enfiler ses chaussures avant de sauter à la suite de son aîné.

- Oui, allons-y, désolé pour l'attente.

Un petit saut dans la chambre voisine pour aller chercher le petit brun et les voilà tous les trois repartit en direction des escaliers. Pendant la descente, Kris s'étira longuement, cherchant de quoi lui faire oublier ce que son cerveau faisait désagréablement tourner dans la tête.

- Mathéo a l'air intéressé par les gondoles. Tu es déjà venu ici, à Venise ? Ou pas du tout ? T'as une idée de ce qui te tenterait ou tu préfères que je fasse le guide de A à Z ?

Question légitime, après tout c'était bien pour ça qu'il l'avait "engagé."
Arrivant devant le restaurant de l'hôtel qui paraissait tout à fait convenable, le brun s'écarta un peu pour laisser passer le plus vieux devant, lui offrant le choix de la table.

Sortant de la chambre, le métisse aux yeux vairons laissa l'enfant attraper sa main pour la serrer dans la sienne. L'idée qu'il lui fasse autant confiance fit naître un début de sourire sur ses lèvres. Le petit garçon l'apaisait, étrangement et Kris se surprit à penser qu'il aurait aimé avoir un fils comme ça. Sauf qu'il ne serait jamais papa, c'était une évidence. Eibe avait... beaucoup de chance. Mais le tatoueur n'allait pas trop l'envier, tout le monde cachait des démons et l'italien ne doutait pas que le blond avait certainement quelques cadavres dissimulés dans son placard.

- Non nous n’avons jamais fait Venise donc on ne connaît pas du tout la ville. Mais si Mathéo veut faire une visite en gondole, alors ça me va aussi. Quand au reste du séjour, je préfère te laisser faire le guide de A à Z et voir avec toi si au fur et à mesure, des idées apparaissent.

Le brun hocha la tête en touchant le bas de l'escalier avant de se diriger vers la table. Ca allait lui laisser le temps d'y penser, d'élaborer une stratégie pour que le voyage soit aussi agréable, qu'instructif et ludique pour chacun d'eux.

- Allez installons-nous et commandons. Surtout ne te restreins pas Kris d’accord ? Fais toi entièrement plaisir. Sans aucune restriction.

S'installant à la table du blond et du petit brun, Kris n'adressa qu'un sourire résilié au plus vieux avant de se saisir de la carte. Eibe avait beau dire, il n'avait pas très faim. Et ce même depuis un bon nombre de jours. Les demandes de Zack et de ses proches n'y avaient rien changé. Kris avait juste... il ne ressentait juste pas l'envie d'avaler quoi que ce soit. C'était comme si tout allait immédiatement ressortir dans une désagréable sensation de brûlure de bile.
Mordant sa lèvre inférieure, il s'insulta mentalement à cause de cet état d'esprit avant de se mettre à chercher dans la carte. Qu'est-ce qu'il pourrait facilement avaler, digérer sans aucun problème, sans aucune nausée ? Il aurait voulu plus de temps mais ses deux compagnons étaient déjà en train de commandé. Heureusement que le serveur parlait anglais, au moins les deux britanniques ne se sentiront pas trop dépaysés et ils pourraient commander tout seul sans lui.

- ... Je vais prendre une involtini au poulet s'il vous plait. Et un tiramisu café en dessert. Merci.

Le jeune adulte regarda l'homme récupérer les cartes avant de sourire doucement à Mathéo qui le regardait avec curiosité, reportant ensuite son attention sur Eibe. Il se cala doucement dans sa chaise, replaçant une mèche agaçante derrière son oreille.

- Je vous propose un tour sur la place comme la journée est déjà bien avancée, juste histoire de faire un peu de repérage et de vous acclimater à la région. J'ai quelques idées déjà mais je ferais un programme écrit ce soir comme ça vous pourrez me dire ce qui vous plait ou non. Ça vous va ?

Il vit du coin de l'oeil le serveur revenir avec les entrées d'abord et leur servir de l'eau. Le métisse attrapa son verre pour boire tranquillement en regardant l'assiette de ses deux compagnons, sans le moindre appétit néanmoins.

- L'autre intérêt d'être ici c'est que la nourriture est belle. Plaisanta-t-il doucement, accommodant de son côté de table vide en attendant les plats principaux.

Regardant les deux Taylor manger en coeur, le tatoueur posa sa tête sur son poing replié.

- Pas de souci, on regardera tout ça ensemble. J’imagine qu’on ne partira pas de suite après le repas à cause de la chaleur non ? En tout cas, ça nous laissera le temps de nous mettre à l’aise et pour moi de récupérer mon appareil photo.

Hochant doucement la tête lorsque le blond acquiesça sa proposition, Kris reporta son attention sur le petit être à sa droite qui dévorait son assiette. Malgré la fatigue qui était bien visible sur ses petits traits enfantins, Mathéo semblait tout à fait disposé à se remplir l'estomac. Heureusement, il n'y avait rien de mieux pour se sentir davantage en forme. Un léger sourire très doux étira les lèvres du tatoueur : ce petit ange l'apaisait tellement, s'en devenait incroyable. Maintenant qu'il avait quitté Saint-Adams, il se sentait vraiment reconnaissant envers Eibe de lui avoir proposé ce voyage et au fond de lui, il espérait pouvoir lui faire comprendre à quel point ça le touchait. Sa dette était grande et Kris espérait vraiment pouvoir rendre un jour la pareille au psychologue.

- Accepterais-tu de m’accorder ta soirée Kris ? Juste tous les deux devant un verre d’alcool.

Le tatoueur mit quelques secondes à réagir. Il était tellement obnubilé par la vision du petit brun qui souriait comme si cette assiette était la plus belle chose qui lui avait été donné de voir qu'il fallut un temps pour qu'il capte que les mots d'Ebenezer lui étaient adressés. Redressant vivement la tête, le loup posa son regard bichrome sur le visage calme et légèrement charmeur de son homologue. Bien sûr qu'il n'allait pas refuser mais le métisse avait un peu peur de devoir faire face à des avances et de devoir y refuser. Il ne voulait vraiment pas poser un froid entre eux. Jouant avec cette mèche gênante qui glissait sans arrêt par dessus son oreille, le brun hocha doucement la tête avant de s'obliger à ouvrir la bouche pour donner son autorisation orale.

- Evidemment. Mais dans ce cas, je t'invite et c'est non-négociable. Lâcha-t-il, un sourire un peu désolé en coin.

Il voulait bien se faire inviter mais il était hors de question de ne pas participer un minimum aux frais du voyage. C'est que l'italien avait normalement suffisamment pour subvenir à ses besoins seul, même si ce mois-ci les bénéfices n'avaient pas été gigantesques pour lui.

Semblant revenir peu à peu à la réalité, le tatoueur braqua son attention sur le psychologue qui hochait la tête. Il allait accéder à sa demande de se laisser inviter et tant mieux. Si son métier ne lui rapportait pas des masses, Kris avait toujours réussi à vivre comme il l'entendait, sans aide, sans rien ni personne. Mais à présent avec Zack à charge, il voyait arriver les complications. Entre le loyer de Kris, l'école du plus jeune - Dieu qu'elle était chère -, la nourriture et l'entretien en général, plus sa moto à payer... l'italien se demandait s'il aurait suffisamment pour assumer la responsabilité du châtain. Mais quoi qu'il en soit, il détestait avoir l'impression de dépendre d'Eibe. Il tenait à ce verre, autant qu'à la conversation que voudrait certainement aborder le blond. Car le métisse n'était pas dupe : en vacances ou non, le psy' comptait bien faire son taf.

Lorsque leurs plats arrivèrent, il braqua son intérêt sur son assiette en se forçant à trouver ça délicieux. C'était... compliqué, son estomac noué ne semblait pas d'accord avec sa demande mentale. Tant pis, il se forcerait. Sa fourchette se planta dans le poulet, bien vite rejoint par le couteau qui trancha dans la viande pour en découper un morceau.

- Bon appétit.

C'était bon. Agréable même, les cuisiniers n'avaient pas chaumé. S'il avait été de meilleure humeur, le métisse aux yeux vairon aurait presque pu se lever pour aller les féliciter mais disons que son corps lui-même n'était pas vraiment pour le faire de quitter cette chaise maintenant qu'il y était encré.
Se forçant, il réussit tout de même à finir son assiette, jetant de temps à autre un coup d'oeil à ses voisins de table qui semblaient particulièrement apprécier leurs plats. Dieu, comment allait-il réussir à manger son dessert ? Peut-être le proposer au plus jeune... ouais non, au café, il doutait que ça lui plaise. Et puis même sans ça, Kris avait des doutes sur le fait que son père accepte.

- C'était à la hauteur de vos attentes messieurs ?

Il étira un sourire en coin en regardant les deux Taylor, amusé par tant d'enthousiasme. Dans sa poche arrière, une vibration provoqua un bruit sourd, remuant le bois alors qu'il claquait la langue d'agacement. Le sortant sous la table, il y jeta discrètement un coup d'oeil avant de soupirer doucement et de le ranger, s'excusant auprès de ses deux compagnons, attendant qu'ils aient fini pour voir le serveur arriver à leur table en les débarrassant. Dans quelques minutes seulement, il saurait si le tiramisu passerait ou s'il allait devoir l'abandonner à contre-coeur. Quoique... le connaissant, il se forcerait plutôt que de jeter de la nourriture. Au moins pour toutes les années où il avait galéré à se nourrir correctement.

Satisfait de voir les deux Taylor clamer leur approbation par rapport à la nourriture, le tatoueur hocha doucement la tête avant que son téléphone ne vienne les interrompre. Fichue sonnerie... ce n'était vraiment pas le moment. Baissant les yeux, il retint un léger grognement. Un pote qui voulait aller boire un verre et "plus si affinité" ? Quelque chose pour lui faire "oublier ce mauvais passage" ? Encore un charognard qui avait sauté sur l'occasion en apprenant le départ du commissaire dans le journal. Tch, il savait pourtant qu'ils n'auraient pas dû s'exposer... même en si peu de temps.

- Kris, tu veux en parler après manger ? Un problème avec ton téléphone ?

La voix du psychologue le ramena sur terre, le faisant se rendre compte de son impolitesse. Rapidement, il rangea son téléphone après l'avoir éteint en s'excusant platement, serrant un peu les dents en se sentant aussi idiot. Surtout qu'Eibe avait l'air réellement inquiet et il ne voulait pas... le blond avait vraiment l'air d'être un homme génial, il fascinait le métisse d'une certaine manière alors il ne voulait pas qu'il ait à ressentir de l'inquiétude à son égard.

- Ne t'inquiète pas, tout va bien, j'avais juste oublié de l'éteindre.

Heureusement, le serveur arriva à ce moment là, lui sauvant la mise en posant sur la table les desserts qui semblèrent ravir ses deux acolytes. Son regard bicolore tomba sur la nourriture dans son assiette alors qu'il s'emparait avec lenteur de sa cuillère, la délaissant pour finalement attraper son verre et boire une rasade d'eau en espérant faire passer ce qu'il avait manger auparavant. Inspirant doucement, il se détendit avant de porter un petit morceau à ses lèvres, goûtant délicatement.

- ... Il est très bon. J'aime bien quand ce n'est pas spongieux.

Et là c'était absolument le cas, le café n'avait pas totalement imbibé le gâteau. La gourmandise était un plaisir même s'il sentait qu'il allait avoir mal au ventre toute la nuit. Jetant un coup d'oeil au plus jeune qui boudait moins depuis qu'on lui avait posé le dessert sous les yeux, il finit par terminer son dessert. Et quand le repas entier fut terminé, un serveur les rejoignit pour débarrasser, proposant un café que Kris refusa poliment avant de regarder Mathéo.

- On risque de se lever un peu tôt demain. Si tu veux être en forme, il faut dormir tôt tu sais. Ton papa et moi allons tout préparer pour que tu t'amuses et que tu apprennes plein de nouvelles choses.

L'italien avait déjà quelques idées d'endroits à visiter et il avait bien l'intention de les soumettre à l'avis du plus vieux dès qu'ils serraient tranquillement seuls.

Si le petit garçon avait l'air d'avoir très envie de rester avec les deux adultes ce soir là, son père se montra intraitable, lui posant un "stop" bien définit auquel il ne réagit que par un air déçu avant de s'enfourner son tiramisu. Mignon et calme, Kris pouvait quand même discerner chez le plus jeune un bon brin de caractère fort qui deviendrait certainement aussi dur que celui de son géniteur dans quelques années. Tant mieux, Eibe avait bon caractère, c'était bien si Mathéo suivait ses traces.

- Je te propose d’aller nous reposer et de nous changer avant de nous retrouver d’ici deux ou trois heures devant nos chambres. Ça te va Kris ?

Hochant doucement la tête, l'italien se leva pour emboîter le pas à ses deux compagnons de voyage, se séparant le temps de retourner dans sa chambre. Le plus jeune avait besoin d'être lavé et couché avant de finir trop fatigué pour profiter de son voyage. Après quoi, ils allèrent se balader un peu sur la place Saint-Marc, courte promenade cependant avant le dîner pendant lequel le métisse ne mangea presque rien. Ils rentrèrent cependant rapidement. Alors Kris en profita pour aller prendre une douche, se lavant les dents avant d'attraper des ciseaux pour couper un peu ses cheveux trop longs pour au final rapidement abandonné au risque de faire une catastrophe. C'était Bartholomew qui était doué pour ça, pas lui...
Finalement, le métisse retourna dans sa chambre pour récupérer son ordinateur portable, vérifiant qu'il avait assez de batterie avant de se connecter au wifi de l'hôtel. Il avait déjà quelques idées de visites, autant y aller pas à pas. Demain serait la première journée, elle pouvait bien être tranquille.
Son téléphone vibra à ses côtés et alors que Kris s'apprêtait à le jeter à travers la chambre en grognant, le nom du psychologue s'afficha sur l'écran en le calmant instantanément. Il parcourut le message du regard, mordant doucement sa joue avant de répondre :

"Tu me flattes mais malheureusement je vais devoir refuser. Je t'attends au bar de l'hôtel, à tout à l'heure."

Rangeant doucement son téléphone portable, l'italien se décida à laisser ses cheveux détachés en sortant de sa chambre, fermant correctement pour se diriger vers l'ascenseur. L'escaliers ? Pure flemme qui l'habitait.
Le bar de l'hôtel se trouvait dans un pièce adjacente au restaurant. D'une ambiance tranquille, seules quelques personnes s'y baladaient, une douce musique d'ambiance réchauffant un peu l'atmosphère. Kris alla s'asseoir au comptoir au centre de la pièce, en cercle pour entourer ses bouteilles et permettre à plus de monde de venir s'y poser.

- Un whisky s'il vous plait.

Il n'avait plus qu'à attendre son compagnon de la soirée, posant son téléphone portable sur le bar pour commencer à fouiller dans les lieux touristiques qui pourraient avoir de l'intérêt pour eux.