Retrouvailles singulières [Nayden Eliott]

Retrouvailles singulières

N’empêche, le temps filait à une vitesse folle. La fin de l’hiver approchait à grands pas, signalant qu’une bonne partie de l’année scolaire s’était envolée. Nayden était dans sa dernière année de Master et si l’idée de finir ses études le rendait fier, il pouvait sentir cette boule au creux de son ventre qui lui faisait parfois des misères lorsqu’il attardait son esprit sur son avenir proche. D’ici quelques mois, après un dernier été passé sous le statut d’étudiant, le russe remettrait les pieds à St Adams en tant que professeur. Rien que ça ! Qui aurait cru que lui, tête brûlée qu’il était à l’adolescence, finirait par s’assagir pour finalement jeter son dévolu sur l’enseignement ? Vladimir le lui disait encore au téléphone la dernière fois : le blond avait fait un chemin absolument incroyable depuis qu’il avait quitté la Russie et Nayden avait pu comprendre derrière les mots de son bienfaiteur que ce dernier était fier de lui. Vladimir fier. Rien ne pouvait motiver davantage le slave. Il allait toutefois devoir s’habituer aux changements que cela incombait. Et de la motivation, il allait en avoir besoin !

Le russe venait de quitter l’un de ses cours. Il avait une heure de battement devant lui avant de devoir filer en salle assister à la dernière heure de la journée. Il avait hâte de quitter les bancs de sa salle de cours pour rejoindre Hans. Mais il allait devoir redoubler de patience. Ce dernier était lui-même en pleine évaluation alors il ne pouvait pas se libérer pour passer cette heure en sa compagnie. A défaut de pouvoir le rejoindre, Nayden était avec lui par la pensée ! Hans était du genre consciencieux et appliqué alors le slave ne doutait pas un seul instant des capacités de son petit bleuté. Courage Hans ! Tu vas le réussir cet examen !

Plutôt que d’aller à la bibliothèque comme les trois quarts du temps, le blond se rendit à la cafétéria pour grignoter quelque chose et se prendre une boisson chaude. Il avait envie de manger une cochonnerie, la fatigue jouant un peu. Puis bon, Nayden était plutôt sérieux pour ce qui était de son entrainement quotidien alors il s’accordait un écart de temps en temps. Il avait d’ailleurs fait une séance assez intensive ce matin avant que 8h ne sonne. Il le méritait ! Le Valamir prit d’abord sa boisson, un thé vert, n’étant pas particulièrement fan de café, de chocolat chaud ultra sucré ou autre jus de citron suspect couleur pisse. Un truc à manger maintenant. Plutôt du sucré pour le coup alors il ignora les paquets de chips colorés qui lui tendaient les bras. Non, autant rester sur la barre de céréales ou les snickers. Ouais, un snickers, valeur sûre et ça croquait un peu sous la dent.

Savourant d’avance la barre chocolatée qui lui faisait les yeux doux, le russe mit une pièce dans la machine, appuyant sur le numéro correspondant puis attendit…attendit… Les secondes étaient longues là non ? Il appuya de nouveau, mais rien. Le blond fronça les sourcils de désapprobation. Depuis quand est-ce qu’on lui bouffait ses sous sans lui donner son dû !? Pour une fois qu’il voulait se faire plaisir ! Il y avait un dieu du sport quelque part qui lui jouait un sale tour pour lui faire la morale ? Ce n’était pas drôle, surtout pas si ça lui faisait perdre une pièce. Nayden pesta son mécontentement, appuyant frénétiquement sur le numéro traitre qui ne lui répondait toujours pas. Fallait-il passer à la manière forte ? Nayden ne voulait pas en venir à donner des coups dans la machine non plus même si l’idée lui traversa plus d’une fois l’esprit.

- Raaah ! Allez là, pile quand je me décide à en prendre !

Trahi, un peu énervé, il serra ses doigts autour de son gobelet de thé, heureusement encore bouillant, et tourna la tête pour voir si un membre du personnel était dans les parages pour lui donner son fichu snickers ou même lui rendre sa précieuse pièce ! Non vraiment, pas aujourd’hui, il était fatigué…

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Il lui fallait rendre justice à sa pièce injustement avalée par le distributeur. Mais lorsque le blond chercha un membre du personnel du regard, ce fut plutôt un élève qui attira son attention. Du moins pas  dès les premières secondes, le russe se hâtant de trouver une solution, supposant que ce camarade voulait à son tour se servir et prendre quelque chose à manger. Jusqu’à ce que le plus jeune l’interpelle par son prénom. Le Valamir marqua un petit temps d’arrêt avant de se tourner à nouveau vers son comparse, laissant son regard glisser sur lui, des pieds à la tête puis de la tête aux pieds, non sans une moue de totale surprise. Il lui était pourtant inconnu au bataillon celui-là. Allons Nayden, on se calme. Le russe était à St Adams depuis maintenant plus de 4 ans, en plus d’être la connaissance de pas mal de monde et d’animer les différentes pistes sportives du pensionnat. Ce jeune homme avait sûrement entendu parler de lui d’une façon ou d’une autre. Rien de bien étrange dans tout cela ! Il esquissa un léger sourire comme pour lui confirmer qu’il avait fait mouche mais la suite lui parut un peu plus obscure.

Les « je ne sais pas si tu te souviens de moi mais…» étaient toujours synonyme de malaise, parce qu’avant même que l’explication ne sorte de la bouche du plus jeune, le blond se faisait déjà la réflexion qu’il n’avait absolument aucun souvenir de ce dernier, l’envoyant donc désolé d’avance. Puis la suite des explications. La mention de plusieurs éléments que le blond s’évertuait de garder secret au maximum. Une explosion dans sa tête. Attends, attends, attends. Nayden écarquilla de grands yeux, le sifflet coupé tandis qu’il passa en revue tous les souvenirs qu’il avait de son passé houleux en Russie. Mais très sincèrement…dans ce flot de pensées, il n’y avait pas l’ombre d’un prénommé Eliott. Nayden fronça légèrement les sourcils, répondant sur le ton de la confidence, essayant de glâner quelques détails pour lui rafraichir la mémoire.

- …Situation plutôt dangereuse… dans quel sens exactement ?

Mauvais timing qui se jouait de lui, un membre du personnel se déplaça enfin pour lui venir en aide. Dans un léger malaise et un stress qu’il tentait de réprimer, le russe expliqua brièvement la situation et se vit récupérer enfin sa pièce. Un nouvel essai, un bip émit par la machine et voilà le Valamir avec son tant attendu snickers dans la main. Il n’en oublia pas pour autant le plus jeune qui était toujours à ses côtés. Le slave lui jeta d’ailleurs un regard avant de faire un pas vers lui en désignant d’un coup de menton une table située non loin d’eux.

- Il faut qu’on parle… je te laisse me rejoindre à la table là bas, d’accord ?

Le visage si avenant du russe était quelque peu fermé, comme à chaque fois qu’on l’obligeait d’une façon ou d’une autre à ouvrir la porte de ses souvenirs. La Russie était une page qu’il voulait tourner mais elle s’imposait toujours à lui lorsqu’il s’y attendait le moins. Posant donc son sac, son snickers et son thé sur la table, il cola ses deux mains au gobelet, la chaleur du breuvage lui servant de point d’ancrage de fortune à ce moment précis. Il posa son regard noisette sur Eliott qui vint le rejoindre avant de finalement reprendre après une longue inspiration.

- Je suis désolé, là je ne me souviens vraiment pas de tout ça… Ça doit remonter à 8 ans ou quelque chose dans le genre, non ? J’étais ado et pour être franc, vu comment j’étais à l’époque, j’ai beaucoup de mal à m’imaginer faire des bonnes actions.

Un air encore plus contris sur le visage tandis qu’il serrait ses doigts sur le gobelet, le russe attrapa sa barre chocolatée et en déchira le papier, attrapant un gros morceau entre ses dents. Toujours sur le ton de la confidence, le slave se concentra de nouveau sur le plus jeune.

- Tu peux m’en dire un peu plus ? Ça va peut-être me revenir…

Et peut-être lui redonner un peu de foi en son passé. Il n’était donc pas si mauvais que ça à l’époque ?

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Le russe était plutôt désolé quand il croisait le regard du plus jeune. Pour ce dernier, ça paraissait tellement évident. Comment oublier un tel évènement dans sa vie ? Il n’osait pas imaginer la gêne de son camarade qui tentait coûte que coûte de lui rafraîchir la mémoire. Il n’y avait rien de plus frustrant que de constater ne pas être sur la même longueur d’onde que son interlocuteur. Alors pour lui, Nayden se creusait les méninges, essayant de se rappeler cet épisode de sa vie qu’il avait visiblement enterré dans les méandres de sa mémoire depuis un bon bout de temps. Le cerveau humain avait des capacités extraordinaires quand on prenait le temps de s’y arrêter un peu. Oublier des faits pour se préserver, remplacer des éléments par d’autres totalement fictifs… C’était un peu ce que le russe expérimentait aujourd’hui. Il avait tant désiré oublier cette période houleuse de son adolescence qu’il avait même effacé les bonnes actions qu’il avait pu accomplir. Il soupira.

Il fallait qu’il ait un déclic, un son, une image, quelque chose le renvoyant directement à cette fameuse scène que son esprit avait banni. Si jusque là le blond avait tout fait pour oublier, depuis quelques temps, il entreprenait la démarche inverse. Se rappeler pour se pardonner et accepter cette part de son histoire. Alors ce sauvetage improvisé, il tenait vraiment à s’en souvenir. Le russe écouta le résumé du plus jeune, ainsi que ses remerciements, lui adressant un petit sourire en coin. C’était fort aimable de sa part de lui dire merci pour une chose dont il n’avait pas le moindre souvenir. Là dessus, il sortit de sa poche son portable et rechercha dans ses images une des rares photos de lui ado qu’il avait. Sélectionnant l’une d’entre elles, il tourna l’écran vers Eliott.

- Je suis touché par ta démarche. Je veux vraiment tout faire pour me souvenir de ça alors…je tente par tous les moyens. Là c’est une photo de moi datant de cette époque, à peu près… tu confirmes que c’est bien moi ? Est-ce que tu pourrais me montrer une photo de toi enfant ? Peut-être que ça me parlera davantage…

Il chercha le regard du jeune homme avec le sien, se pinçant un peu les lèvres. Il avait l’impression de toucher quelque chose du bout du doigt. Il ne voulait pas abandonner aussi facilement. Réaliser un tel évènement était essentiel pour le slave qui était toujours dans la démarche de se réconcilier avec lui-même.

- Tu vas peut-être penser que je m’entête pour pas grand chose mais ça me tient à cœur de me souvenir de tout ça. C’est très important pour moi. Alors…si jamais la photo ne m’évoque rien, est-ce qu’on pourrait essayer de rejouer la scène à partir de tes souvenirs ?

Ça le stressait, il fallait bien l’avouer, tout comme il avait l’impression de passer pour un fou. Nayden espérait sincèrement que le plus jeune comprendrait sa démarche. Histoire de dédramatiser la situation, pour Eliott, mais surtout pour lui-même, il laissa échapper un petit rire nerveux.

- En espérant que tu aimes le théâtre haha ! Désolé de t’imposer ça…

Le blond n’osait même pas imaginer la première impression qu’il laissait au jeune homme. Il avait un peu honte dans le fond.

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Ttoujours dans la démarche de se souvenir de ce moment important de son passé, Nayden laissa Eliott chercher une photo de lui enfant et commença à tendre le cou pour regarder l’écran lorsque l’intervention soudaine d’une tierce personne le fit hausser un sourcil. Il porta son regard sur l’élève qui visiblement en avait après Eliott. Décidément, les années avaient beau passer, l’on retrouvait facilement le même schéma dans le système scolaire. Il y avait toujours des malins qui se cherchaient de l’importance en venant embêter ceux qui n’avaient rien demandé. Dans une période compliquée où tout le monde devrait se montrer solidaire, Nayden était désolé de constater que c’était souvent l’extrême opposé qui se passait. Las d’avance, il lâcha un soupir. C’était l’une des raisons qui faisaient qu’il était plutôt ravi de finir sa scolarité mais cela voulait aussi dire qu’il ne serait plus autant sur le terrain même, pour venir en aide aux autres.

Aider, c’était son intention là encore. Mais à vrai dire, il n’eut pas le temps de prononcer le moindre mot pour interpeller le fautif qu’Eliott fut déjà debout, l’attrapant par le col et lui faisant comprendre qu’il n’avait pas peur. Tiens donc ! Nayden n’aurait pas du tout imaginé ce jeune homme plutôt réservé sous cet angle là. Le blond resta assis pour sa part, observant la scène, guettant la moindre dérive. Lui qui allait bientôt passer prof, il ne voulait pas commencer avec des problèmes alors il comptait s’interposer si la conversation tournait au vinaigre. Le Valamir ne répondit pas à l’interpellation de l’idiot qui venait de justifier son acte : Eliott faisait cavalier seul. C’était bien petit comme raison pour attaquer quelqu’un. Quelle immaturité !

Un deuxième soupir de la part du Russe qui fronça un peu les sourcils au coup de pied mais fort heureusement, l’altercation s’arrêta là et le provocateur eut vite fait de s’éclipser. Toujours silencieux, Nayden posa son regard sur Eliott qui semblait retrouver sa timidité du départ. Il ne put s’empêcher de sourire légèrement. Eliott le ramenait quelques années en arrière, quand lui-même était incapable d’ignorer la moindre provocation et qu’il en venait aux mains. C’était plutôt amusant dans le fond. Comme quoi il ne fallait jamais juger quelqu’un à l’apparence. Le slave croisa ses bras sur la table, cherchant le regard de son acolyte en murmurant.

- Mieux vaut être seul que mal accompagné, mh ?

Ce fut son dicton pendant un moment donc il ne pouvait que comprendre le sentiment du plus jeune, même si désormais, Nayden faisait tout pour s’entourer au maximum, avec des personnes qui lui apportaient beaucoup. Il cala sa joue dans la paume de sa main sans quitter Eliott du regard.

- Tu as l’air de te débrouiller pas mal pour te défendre. Mais ça manque un peu de maîtrise, Si ça te dit, je peux t’apprendre quelques techniques pour les prochaines fois. Pas besoin de violence mais le type saura pas ce qu’il lui arrive !

Une sorte de solidarité ? Si toutefois on pouvait présenter la chose ainsi mais Nayden lui enseignerait avec plaisir quelques prises si le plus jeune se montrait intéressé. Là-dessus, le russe reprit là où ils s’étaient arrêtés et attrapa doucement le téléphone pour regarder la fameuse photo. Il plissa un peu les yeux, se concentrant avant de finalement partir mentalement dans les méandres de ses pensées, quelques secondes. Puis un flash, une étincelle dans son regard. Cette bouille ronde… effectivement ça lui parlait maintenant qu’il la voyait.

- Je crois que ça me revient… attends…

Il tendit le téléphone pour comparer le visage de l’enfant avec celui de l’élève qui se tenait en face de lui. Les joues avaient fondues et les traits étaient bien plus carrés que sur la photo. C’était évident que Nayden n’allait pas le reconnaître du premier coup… Le Valamir continua de se concentrer.

- Dis-moi, tu n’avais pas un petit sac rouge en bandoulière ce jour-là ?

Si c’était le cas, ça voulait dire que sa mémoire ne lui faisait pas complètement défaut et qu’à force de chercher, il finirait par retrouver !

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Eliott était donc définitivement un gros solitaire. Nayden respectait tout à fait ce genre de personnalité. Il avait eu sa période durant son adolescence, notamment suite à sa fugue et ses quelques temps de survie dans la rue à voler à droite et à gauche. Mais dans le fond, Nayden était convaincu que même l’homme le plus solitaire du monde fantasmait secrètement à une relation à la hauteur de ses espérances. Elliott n’avait simplement pas rencontré la bonne personne jusque là et les plus discrets ou asociaux sont souvent ceux qui ont du mal à tourner une page. Elliott ne pouvait pas s’être levé un beau matin en se disant que la vie tout seul était franchement cool ! Loin de lui l’idée de forcer le jeune homme à s’ouvrir ou à justifier sa vision des choses, mais le slave avait l’intuition que cette solitude volontaire cachait quelque chose d’autre. Il espérait simplement que son cadet rencontrerait une personne qui lui démontrera le contraire.

Souriant un peu, le blond fut plutôt satisfait de voir son interlocuteur rire, même s’il refusait sa proposition. N’empêche, c’était toujours impressionnant de voir comment un sourire pouvait illuminer un visage. Le pire c’est que ça allait bien à Eliott ! Franchement ! Rendant le téléphone au plus jeune, le russe se promit intérieurement de continuer à retrouver la mémoire, même si cela devait passer par des flashs de souvenirs et prendre du temps. On ne pouvait pas remuer le passé et sortir des épisodes précis aussi facilement. Il y avait tout un aspect psychologique propre à Nayden qui faisait barrière. C’était donc un gros travail mais surtout une bataille contre lui-même qu’il menait. Le blond était cependant confiant qu’il achèverait cette lutte en une belle victoire personnelle.

Suivant les faits et gestes du plus petit du regard, il se redressa automatiquement à sa demande. Pas besoin de lui en dire plus. Il ne voyait aucun inconvénient à quitter les lieux, surtout que le plus jeune, étonnamment vu son caractère, lui proposait de poursuivre la discussion. Il commença donc à marcher aux côtés d’Eliott, suivant le rythme de ses pas.

- Ooh tu es donc un musicien ? Je suis toujours fasciné par ces personnes qui peuvent reproduire une note précise qu’ils ont en tête. Le violon me paraît d’autant plus difficile qu’il faut poser ses doigts à tel endroit avec beaucoup de justesse pour obtenir telle note. J’en serais bien incapable.

Il était vraiment sincère et admirait le plus jeune pour de telles capacités. Sur la route les menant à la salle de classe d’Eliott, Nayden eut l’occasion de saluer plusieurs élèves qu’il connaissait. Le blond avait pas mal de connaissances et ça lui faisait bizarre de se dire que bientôt, il parcourrait les mêmes couloirs avec le statut de professeur. Plusieurs de ses amis se retrouveront donc assis face à lui à prendre note de ses cours. Cette idée le fit légèrement soupirer. Il se tourna vers le plus jeune et lui adressa un sourire.

- Dis, je peux te demander de me jouer un morceau de violon ? N’importe lequel… D’ici peu, si je te fais la demande, ce sera un peu bizarre. Un prof et un élève qui s’isolent ensemble, c’est pas toujours bien perçu.

Il laissa un léger rire teinté d'une pointe de nostalgie lui échapper.

- Tu es dans quels clubs d’ailleurs ? Je ne me souviens pas t’avoir croisé en athlé ou dans le club de littérature…

C’était une information qui lui permettrait de recroiser facilement le jeune homme avant d’avoir son diplôme.

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Est-ce que Nayden était un élève que l’on pouvait qualifier de populaire ? Oui clairement, mais ce dernier était loin de chercher la gloire. C’était peut-être bien pour cela qu’il était aussi apprécié. Le russe mettait le nombre de ses connaissances sur le compte de son ancienneté à st-Adams, rien d’autre. Après tout, il était arrivé au pensionnat lorsqu’il était âgé de 19 ans. Il allait en avoir 24 prochainement. Avec ces années d’étude, le pensionnat avait brassé pas mal d’élèves divers et variés et donc multiplié les rencontres du slave. Sans parler du fait que ce dernier participait activement à deux clubs et allait souvent faire un petit tour dans les autres par curiosité. Le blond était ouvert, solaire, souvent à faire le premier pas et à prendre des nouvelles dès qu’il le pouvait. On récoltait ce que l’on semait. Mais ça n’avait pas toujours été le cas pour lui. Le sens des relations humaines n’était pas inné, Nayden l’avait appris au fil du temps. Il ne doutait pas qu’un jeune homme comme Eliott évoluerait et s’ouvrirait davantage au monde à son tour. Puis dans le fond, il était plutôt attendrissant et sympathique.

Ecoutant le point de vue du plus jeune, il ne put s’empêcher de sourire à son tour. Disons que c’était un avis qui était en accord avec le jeune âge d’Eliott. Si cette conversation avait eu lieu quelques années plus tôt, le blond se serait hâté d’acquiescer et aurait clamé que la liberté était ce qu’il y avait de plus important. Maintenant, il avait muri, et son point de vue était plus nuancé. Certes, il ne fallait pas laisser les autres nous empêcher de faire ce que l’on voulait vraiment faire ou nous étouffer, mais quand on vivait en société, il fallait accepter qu’il y ait des sensibilités différentes de la notre. On ne pouvait pas vivre éternellement sans prendre les autres en compte. Vivre en accord avec soi-même, encourager à la tolérance mais également tolérer le fait que l’autre ne raisonne pas de la même façon. Peut-être bien était-ce parce qu’il allait devenir professeur et donc devoir faire attention à son image que Nayden pensait de la sorte. Qu’Eliott profite, parce que ce genre de discours, il pouvait se permettre de le tenir en tant qu’élève.

Acquiesçant au titre de la mélodie proposé, Nayden continua de suivre le jeune homme jusque dans la salle de classe avant d’attraper une chaise et de s’y installer, les coudes sur le dossier de cette dernière, le menton calé sur ses avants-bras.  

- Je ne vois que l’étui pour le moment mais je devine sans problème que le violon est de qualité ! J’ai hâte de t’entendre jouer…

Il adressa un joli sourire à Eliott, l’observant quelques instants.

- Tu as dis faire partie du club de photographie. Il me semble qu’il y a une expo organisée chaque année avant les vacances d’été pour exposer les clichés des élèves, non ? Tu comptes montrer ce que tu fais ? Tu as une idée particulière ?

En vérité, Nayden n’avait pas remis les pieds à l’une des expos du club depuis quelques années. Il se souvenait encore du jour où il avait posé pour Noah, son ancien petit-ami. Ce dernier avait disparu juste après. Aucunes traces du shooting organisé pour le concours du club de photographie. Aucunes traces du français. Rien. Juste des souvenirs, une confession faite à demi-mots et l’inquiétude. Depuis lors, ce petit évènement photo lui faisait remonter beaucoup de souvenirs douloureux. Cette pensée assombrit le regard noisette de Nayden durant quelques instants qui finit par dire :

- Je n’y ai plus mis les pieds depuis longtemps mais… si tu exposes, je viendrais voir ton travail.

Un moment de latence. Il inspira profondément, força un sourire et se redressa de sa chaise en s’efforçant de se montrer sous son meilleur jour.

- Bon, on se rend sur le toit ? Je veux t’entendre jouer après tout !

Puis à cette heure-ci, il ne devrait y avoir personne pour interrompre Eliott durant son jeu.

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Nayden fut surpris d’apprendre que le jeune homme n’avait jamais et ne comptait nullement exposer ses photos. Dans un sens, il trouvait cela fort dommage. Certes, il y avait toujours des personnes un peu trop directes qui donnaient le fond de leur pensée sans chercher à se justifier. Des idiots en soi, et exposer publiquement, c’était prendre le risque de se frotter à cette catégorie de personnes. Mais il y avait aussi une grande majorité qui était présente pour apprécier le travail fourni à sa juste valeur et d’autres qui offraient des critiques constructives permettant de progresser et s’élargir. Donc dommage pour Eliott oui, mais plus Nayden observait ce dernier, plus il en venait à la conclusion que le jeune homme était animé d’une timidité et peut-être d’une certaine sensibilité qu’il s’évertuait à cacher. Parce qu’il avait quand même la parole assez facile une fois qu’on le lançait sur un sujet.

Le russe ne chercha pas à insister là-dessus et monta sur le toit en compagnie d’Eliott. Il ne venait pas souvent ici et pourtant en y repensant, depuis ce toit, l’on pouvait admirer une jolie vue sur le quartier. Entre ça, la présence de l’élève et l’élégance de son violon, une atmosphère très poétique s’installa peu à peu. Le genre d’ambiance qui détendait le blond et lui faisait passer un excellent moment. Puis Eliott se concentra, les premières notes vinrent vibrer au creux de l’oreille du slave qui, sur le coup, ferma doucement ses paupières pour se laisser bercer par la mélodie.

Ce morceau était connu, mais les années avaient beau passer, il restait un grand classique absolument bouleversant. Le violon était d’ailleurs un instrument tout trouvé pour retranscrire les sentiments de cette chanson tragique. Le ton un peu chevrotant des cordes frottées harmonieusement par Eliott serra la gorge de Nayden. Le grand blond était complètement transporté. Ce dernier rouvrit doucement les yeux pour observer religieusement le musicien à l’œuvre… et les larmes commencèrent à perler aux coins de ses yeux. Nayden était un amoureux de l’art en général. Autant dire qu’Eliot lui offrait un merveilleux cadeau en lui jouant un morceau en toute intimité. Alors lorsque la mélodie arriva gracieusement à son terme, le slave dut prendre une grande inspiration pour retrouver contenance. Si ça lui avait plu ? Le visage du Valamir parlait de lui-même non ? Mais le blond étira un sourire emprunt d’émotion, le regard très doux, encore plongé dans l’univers de la musique.

- Tu es très beau quand tu joues Eliott…vraiment.

Nayden parlait en toute sincérité, sans arrières pensées. Il avait trouvé le jeune homme vraiment magnifique. Quoi de plus beau qu’un musicien qui prenait plaisir à jouer après tout ? Il posa une main sur son cœur, reprit une inspiration.

- Tu m’as provoqué des frissons, c’est pour dire… alors merci. J’espère vraiment qu’on aura l’occasion de revenir ici pour que tu joues un nouveau morceau. Tu dis que tu ne joues pas parfaitement mais tu as déjà un niveau que beaucoup de personnes peuvent t’envier.

Il fit quelques pas et vint se poser juste à côté d’Eliott. Son regard noisette dans le sien, sans se départir de son sourire.

- Je ne me souviens peut-être pas de tout quant à notre rencontre, mais crois-moi, je suis vraiment heureux de pouvoir avoir un tel souvenir en ta compagnie. Hm… ça te dit qu’on s’échange nos numéros ? Ça nous permettra de nous organiser une sortie un de ces jours ! Je suis très curieux de te connaître davantage. Que tu sois Eliott, et pas simplement le garçon que j’ai aidé dans le passé.

Il trouvait que c’était la moindre des choses de lui proposer de garder contact en fait. Nayden était quelqu’un d’entier qui adorait faire des rencontres et lier de nouvelles amitiés. Elliott l’intriguait un peu et le slave était persuadé qu’ils pourraient s’apporter quelque chose mutuellement. En tout cas, il avait déjà son téléphone dans la main au cas où le musicien en venait à accepter sa proposition.

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Eeffectivement, la pique qu’Eliott venait d’envoyer à Nayden trouva son public. Le blond écarquilla les yeux sur le coup, cligna deux ou trois fois avant d’agiter ses mains dans tous les sens comme pour essayer de se justifier. Beh voilà, il avait réussi à gêner le grand russe à son tour.

- Mais non ! Non ! C’est pas ce que je suis en train de dire. Tu es beau même quand tu ne joues pas. Je veux dire que jouer, ça en rajoute à ta… rooh et tu me fais marcher en plus de ça !

Il comprit rapidement au sourire de son camarade que ce dernier plaisantait. Remis de sa panique soudaine, le blond sourit à son tour et ferma le poing qu’il appuya contre l’épaule du plus jeune. Nayden avait cette peur panique de blesser les gens ou de les vexer. Eliott venait d’appuyer sur l’une de ses failles, gentiment, mais le slave ne s’en offusqua pas. Au contraire, il prit ça comme un bon signe, preuve que le musicien était à l’aise en sa présence et sympathisait avec lui. Après tout, on embêtait pas les personnes qui nous laissaient indifférents ! Dans tous les cas, si Eliott faisait un pas vers lui, alors le Valamir en ferait un à son tour. Revenir ici pour l’écouter jouer en faisait partie.

Une fois les numéros échangés, Nayden replaça son téléphone portable dans son sac avant de tourner la tête vers le plus petit. Il haussa un sourcil en l’écoutant. C’était triste, dans le fond, de se qualifier de banal. Aux yeux de Nayden, chaque personne était unique et chaque vie avait de la valeur. Elliott ne devait simplement pas se concentrer sur ses qualités. Pourtant, il était certain qu’il n’y avait pas à gratter beaucoup pour découvrir de belles facettes chez le jeune homme. Il secoua la tête en signe de désapprobation.

- Tu sais un diamant, même brut, est un diamant. Il suffit de le polir un peu pour se rendre compte de toutes ses facettes et de son éclat. Ne dis pas que tu es quelqu’un de banal comme si tu n’étais pas intéressant. C’est strictement faux. Tu ne me décourageras pas avec ça.

Observant lui aussi le paysage, il rendit le sourire au plus jeune avant de se caler contre la rambarde du toit, tourné vers Eliott. Il tendit alors le bras et lui ébouriffa les cheveux d’un geste assuré.

- Moi aussi ça me fait plaisir ! Avec le recul, c’est en venant à St Adams que j’ai le plus compris de choses sur mon passé et renoué avec certaines personnes. Qui l’aurait cru ? Et te voilà pour confirmer la chose.

Il y avait ses retrouvailles avec Andrej, celles avec Eliott, l’enquête qui lui avait permis de retrouver son père, Aeden qui connaissait Vladimir. Le monde était petit et cette idée donnait le tournis au slave. Il posa de nouveau son regard noisette sur le paysage qui s’offrait à eux puis se recula.

- Si jamais tu as envie d’en savoir plus, il va falloir qu’on se revoit en ville autour d’un verre ! Je te recontacte pour qu’on s’organise ça ? Encore merci pour ce beau moment musical…

En espérant que le jeune homme accepterait de partager un nouveau moment avec lui. En attendant, l’heure de pause était pratiquement achevée et le russe allait devoir retourner en cours.

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